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Photo du rédacteurLucie Richard

HISTOIRE DE L’HYSTÉRIE - 1/3

Dernière mise à jour : 26 sept.

ET PLUS SI AFFINITÉS -

CHAPITRE 1 -


L'hystérie est « une névrose, aux tableaux cliniques variés, où le conflit psychique s'exprime par des manifestations fonctionnelles sans lésion organique (anesthésies, paralysies, cécité, contractures, perte du langage...), des crises émotionnelles, éventuellement des phobies ». Vocabulaire de la psychanalyse, 1967.


 

DE LA GRÈCE ANTIQUE AU DÉBUT DU XXE SIÈCLE

 

Le mot hystérie provient du grec "hystéra" se rapportant à l’utérus. Il regroupe un certain nombre de symptômes mystérieux, associés aux spécificités biologiques de la femme dès la Grèce antique. Grossesse, éternuement, abstinence sexuelle en sont les premiers remèdes.

 

Au moyen-Age, les hystériques sont vues comme possédées par le mal. A la Renaissance, les premières hypothèses neurologiques émergent, suivie par la notion de névrose au XVIIIe siècle. On préconise alors le massage des organes génitaux.

 

C’est à la fin du XIXe siècle que l’hystérie devient le centre d’investigations sérieuses.

Jean-Martin Charcot, Pierre Janet, William James, Josef Breuer et Sigmund Freud sont les premiers à étudier avec la science moderne cette drôle de maladie aux symptômes incohérents et incompréhensibles ; ce mal dit exclusivement féminin.

Quand les symptômes de l’hystérie touche les hommes, leurs comportements passent pour des maladies de femmelettes. Ils sont considérés comme « dégénérés ». 


 

UNE VÉRITABLE QUÊTE

 

La collaboration entre médecins et patientes prend l’aspect d’une véritable quête.

S’appuyant notamment sur l’hypnose, Charcot documente minutieusement les symptômes, quand ses disciples s’attachent à en comprendre les causes.

 

Pour Freud, Janet et Breuer, l’hystérie est indépendante du système nerveux. Elle serait liée à des événements traumatiques vécus par la patiente. Des réactions émotionnelles insupportables liées à des évènements traumatiques provoqueraient des états de conscience modifiés, qui à leur tour conduiraient aux symptômes.

Ils découvrent également que les symptômes de l’hystérie peuvent être soulagés quand les mémoires traumatiques et les émotions intenses associées peuvent être retrouvées et mises en mots. Ces méthodes sont la base de la psychologie moderne. Les termes « dissociation », « altération de la conscience », « double conscience » apparaissent pour nommer ces états ; « analyse psychologique », « abréaction », « catharsis », « psychanalyse », « guérison par la parole » pour nommer les traitements.

 

 

UNE DÉCOUVERTE ÉPOUVANTABLE

 

Freud pousse plus loin ce fil conducteur de la mémoire traumatique et en vient à explorer plus spécifiquement la vie sexuelle des femmes. Le lien entre sexualité et hystérie était à cette époque vu comme une forme d’insulte faites aux femmes et rejeté de facto. Ce qu’il découvre est épouvantable : agressions sexuelles, maltraitances, incestes et viols se présentent comme des événements traumatiques majeurs, à la source des symptômes. Il en décrit les principes dans « Etiologie de l’hystérie » en 1896.

 

« J’avance par conséquent la thèse selon laquelle il y a une ou plusieurs occurrences d’une expérience sexuelle prématurée qui remontent aux premières années de l’enfance (...) Je crois que ceci est une découverte importante. »

 

Mais moins d’un an après sa publication, Freud répudie sa théorie de l’origine traumatique de l’hystérie. Les enjeux sociaux de cette hypothèse sont immenses. Si tant d’actes de violence, d’humiliation et d’exploitation sont commis contre les femmes et les enfants, il faut alors reconnaître leur dimension endémique, non seulement dans les classes les plus populaires mais aussi parmi les familles les plus respectables de la haute bourgeoisie viennoise.


 

 LA CAUSE DES HOMMES

 

Face à ce dilemme, Freud cesse d’écouter ces patientes.

Car c’est aussi une tout autre cause qui avait stimulé un tel intérêt pour l’hystérie : celle de démontrer le triomphe des lumières, la supériorité morale d’une vision laïque du monde sur les superstitions et les dogmes religieux.


Les médecins et neurologues apportent des explications scientifiques à des phénomènes tels que les états de possession démoniaque, la sorcellerie, les exorcismes, l’extase religieuse. Les cas de stigmates, d’apparitions ou de guérisons miraculeuses appartiennent désormais au domaine de la pathologie médicale.


Les hommes de science viennent sauver les femmes des pires excès de l’inquisition ou de leur condition rabaissée en leur apportant soins et protection. Elles méritent désormais d’être des objets d’étude passionnants. Mais il est inimaginable qu’elles soient considérées comme des sujets en tant que tels. Non plus d’envisager une situation d’égalité sociale entre hommes et femmes, où celles-ci auraient accès à l’éducation supérieure, à certaines professions et au droit de vote.

 

« Les femmes doivent appartenir à la science, sinon elles appartiendrons à l’église ».

Jules Ferry (Président du conseil des ministres et du sénat sous la 3e république)

 

Tant que l’étude de l’hystérie s’inscrivait dans une croisade idéologique, les découvertes avaient été largement applaudies. Une fois la bataille anticléricale gagnée, les chercheurs se trouvent compromis par la nature même de leurs découvertes et leurs proximités avec leur patientes ; dans un monde souterrain de transes, d’émotions et de sexe. Bien plus loin que ce qu’ils sont prêts à entendre.

 

- Je reviendrai prochainement sur les liens entre dissociation traumatique et transe -


 

LES FONDEMENTS DE LA PSYCHANALYSE NIENT LA RÉALITÉ VÉCUE DES FEMMES

 

Il en résultat un drôle de glissement… Qui amène Freud à affirmer que les femmes imaginent et souhaitent les rencontres sexuelles abusives dont elles se plaignent. L’infériorité et la fausseté des femmes devient sa doctrine.

« Entre la poussée de la pulsion et la résistance opposée par le refus de la sexualité, la maladie s’offre alors comme une issue, qui ne règle pas le conflit, mais qui cherche à y échapper en transformant les tendances libidinales en symptômes » écrit-il.

 

Camper sur sa théorie aurait signifié reconnaître les profondeurs de l’oppression des femmes et des enfants. Seul le mouvement féministe naissant aurait pu soutenir sa théorie alors même qu’il menace ses propres valeurs patriarcales, son statut dans le monde scientifique et la haute bourgeoise viennoise.

 

Les patientes retombent dans le silence et le mépris, l’hypnose et les états de conscience modifiés dans le monde de l’occulte et de l’ésotérisme

 

Aussi convaincantes qu’aient été les théories des violences sexuelles comme source des symptômes de l’hystérie, elles ne peuvent être acceptées en l’absence d’un contexte politique et social apte à les soutenir.


Il faudra attendre un siècle encore pour qu'il commence à exister...

 


Bertha Pappenheim en est une figure emblématique de cette période. Ancienne patiente (sous le nom de Anna O.), suivie en psychanalyse puis abandonnée par Breur, elle invente le terme de « guérison par la parole ». Elle trouve plus tard sa voie et sa santé mentale dans le mouvement de libération des femmes. Elle est également considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne.
Bertha Pappenheim

Bertha Pappenheim en est une figure emblématique de cette période. Ancienne patiente (sous le nom de Anna O.), suivie en psychanalyse puis abandonnée par Breur, elle invente le terme de « guérison par la parole ». Elle trouve plus tard sa voie et sa santé mentale dans le mouvement de libération des femmes. Elle est également considérée comme la fondatrice du travail social en Allemagne.


Sources :

« Reconstruire après le traumatisme » de Judith Lewis Herman.

« En Finir Avec L'hystérie (Prétendument) Féminine » d’Isabelle Siac.



Suite au prochain chapitre ! 1914-1975

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